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[Théâtre] Quand l’amour part en Sandre

© Pierre Planchenault

Ultime volet du cycle « À la vie, à la mort », Sandre de Solenn Denis est une sévère claque qui ne manque pas de sublime. En ce froid de fin-mars, La Maison des Métallos accueille un théâtre de l’horreur absolument glaçant. L’enfant, le couple, la famille sont abordés dans cette pièce sous un jour terrible. Et c’est Erwan Daouphars qui, à la place d’une femme, nous livre le monologue d’une mère déchue.

Assise dans son fauteuil, elle semble tourmentée. C’est ainsi que débute la confession distraite d’une épouse désenchantée. Des expressions changeantes, des faces terrifiantes, voilà ce qui donne vie à un texte conçu comme une balade dans un flot de souvenirs. Cette femme parle de sa vie, de son couple et découvre par ses propres mots qu’elle n’est plus heureuse. Elle semble se l’avouer à l’instant même où elle narre les préceptes de sa mère qui jusqu’ici l’ont guidés : bien nourrir son homme, s’occuper des enfants, être toujours patiente et surtout prendre sur soi…

À de nombreuses reprises la lumière modifie la tessiture de sa voix ainsi que le registre de ses expressions : on entre dans le regret, dans l’angoisse, la démence lorsque le désenchantement fait descendre la pression. Sans jamais s’épancher, parfois presque ironique elle tente de se comprendre, et de nous faire entendre un parcours embusqué. Mariée, deux enfants (et certainement pas trois) elle apprend comme bien d’autres, que son mari la quitte pour sa secrétaire, pour une fois plus âgée. Anesthésiée dans son corps depuis qu’elle a commis le pire crime de notre temps, le spectateur peut se pencher sur un cas de conscience qui fait tout basculer.

« Chaque chose en son temps », c’est le rythme de l’intrigue. On se demande avec elle, embarqué d’empathie, comment une ménagère de moins de cinquante ans commet l’irréparable pour cesser d’exister. Rien n’est dit à l’avance, on ne soupçonne pas trop tôt de quel crime il s’agit et lorsque l’on comprend le noeud de son histoire, le dénouement arrive sans se faire trop attendre.

Bien installée dans sa chaise elle s’emporte violemment et semble en fin de compte se saisir d’elle-même. Fin des lapalissades sur l’amour d’une épouse, elle crache à son auditoire des anecdotes ciblées qui valent comme explication du meurtre de son enfant. À mesure qu’elle se livre elle se vide d’un fiel dégoulinant de sa bouche. Elle bave désormais, tout en noir à l’image des mots qu’elle choisit de projeter à la face d’un certain archétype du bonheur conjugal. Heureusement pour la salle, la tempête se calme, elle s’essuie, se reprend et tente de se rassurer. Elle termine son récit dans un calme éreintant, tant pour le comédien que pour les spectateurs qui de concert hésitent entre rire et pleurer.

 

« Sandre » mise en scène de Solenn Denis, avec Erwan Daouphars
Durée 1h
Plus d’informations sur : http://www.maisondesmetallos.paris/2018/01/05/sandre

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[Théâtre] Andromaque, les héritiers

© Denis Gueguin

Éclatement des lieux, éclatement des esgourdes, cet Andromaque s’échoue entre humour et sérieux. Damien Chardonnet-Darmaillacq, met grossièrement en scène cette pièce de Racine qu’il créé cette année au Phénix de Valenciennes. Andromaque, les héritiers, spectacle compliqué, occulte malheureusement les nuances de l’oeuvre. Rien ne circule alors sur ces planches encombrées. Jusqu’au 10 Février, au Théâtre de la Cité internationale. 

La première parisienne a-t-elle connu des problèmes techniques qui auraient rendu floue notre écoute ? A l’image de Pyrrhus, fils de l’illustre Achille, tant souverain d’Épire que geôlier d’Andromaque, qui a le souffle coupé par un micro qui « bug ». Sa voix porte haut, certes jusqu’à la chambre haute de cette captive qu’il aime, mais sa mâchoire fatigue au terme d’une scène et demie… Il n’articule plus, on entend plus les vers. La faiblesse du recours à la technologie trahit dans l’incident, des voix qui finalement, se suffisent à elles-mêmes. L’option « modernisation » n’est pas au point. Et si cela ne suffit pas pour prouver qu’il s’agit d’un outil maladroit, convoquons là Oreste, le fils d’Agamemnon, qui grésille atrocement lorsqu’il hausse le ton. L’ambassadeur des grecs bousille les enceintes ainsi que les tympans de la salle toute entière.

Comment souscrire d’ailleurs aux fureurs et folies de cet amant transit d’Hermione ? La rage d’Oreste explose à peine dans de tristes mouvements, complètement coincé dans son blouson de cuir. Définitivement ce n’est pas mieux sans veste, il gigote nerveusement sur une scène rétrécie. Il y avait de l’idée à segmenter l’espace par région et par villes, mais c’est trop compliqué. Les comédiens bloqués par toutes sortes d’obstacles, malheureux symboles fixes des cahots intérieurs, figurent l’engoncement. Dans une absence de rythme, la hausse ponctuelle des décibels n’y fait rien. Le numéro de l’acte en cours, froidement projeté sur un rideau, rappelle d’un clin d’oeil lourd que l’on est au théâtre… Chronomètre de l’ennui un spectateur peut, sans rien rater, s’amuser à couper deux heures en cinq pour savoir où il en est.

Pyrrhus assassiné, la chute s’annonce enfin pour évoquer fureur et désespoir. Adulée par Oreste, Hermione l’indécise fustige ce dernier une fois qu’il accomplit la tâche qu’elle-même avait manipulée. Vient alors une tambouille autour de la folie d’Oreste, mélangeant tous ensemble clips crades et insensés ainsi qu’une musique toujours trop véhémente. Le bruit empêche le verbe, le drame est inaudible. Cet Andromaque ne donne rien, et c’est revendiqué.

Pas partageur ? Dommage… « L’amour n’est pas un feu qu’on enferme en une âme ». Il n’en demeure pas moins que cela tourne au grotesque, voire même à l’opaque. Andromaque la pauvre, jolie mais monocorde, manque de densité. Cléone, une suivante confidente d’Hermione, pourrait sauver la pièce ainsi que toutes ses femmes et leurs beaux paradoxes. Mais son genre l’en empêche, puisqu’on en fait un homme ! Et Hermione transsexuelle, cela semble un choix net, sauf qu’une fois validée pourquoi moquer l’idée ? C’est triste d’en vouloir rire, au XXIe siècle, et signifier par là qu’une femme inflexible devrait cacher un homme. Pas de demi-mesure, pas de subtilité, peut-être que ce casting n’aime résolument, ni Racine ni les femmes ?

« Andromaque, les héritiers » d’après Jean Racine, mise en scène par Damien Chardonnet-Darmaillacq. 

Durée 1h45. Plus d’informations sur : http://www.theatredelacite.com/programme/damien-chardonnet-darmaillacq 




[Critique-Théâtre] Letter to a Man : Nijinski incarné par Baryshnikov, deux légendes de la danse en une

Photo : Julieta Cervantes

À l’espace Pierre Cardin (occupé par le Théâtre de la Ville), Bob Wilson met en scène le Journal de Vaslav Nijinski (1889-1950). Danseur légendaire incarné par lafigure mythique de la danse : Mikhail Baryshnikov. Une interprétation onirique autant jouée que dansée, véritable immersion dans le génie et la folie d’un artiste hors norme.

Dans une ambiance propre à Bob Wilson, à savoir un visage peint en blanc pour Baryshnikov et une esthétique élégante, froide, où les lumières rythment les scènes et sculptent l’espace, le journal intime de Vaslav Nijinski se dit, se danse et se mime. Derrière une rampe de cabaret, Baryshnikov n’applique pas une chorégraphie stricto sensu. Il est souvent assis ou une chaise à la main pour rappeler cette fameuse chaise que Nijinski détruisit en public de son vivant alors qu’il plongeait dans la souffrance et la folie. Sa silhouette fascine… Baryshnikov a des gestes fluides et précis, ceux d’un corps qui ne semble pas vieillir. Le danseur, âgé de 68 ans, nous hypnotise d’autant plus que le fond sonore incessant qui l’accompagne crée une ambiance étrange et magique.

Dans son journal écrit en à peine deux mois, Nijinski dialogue avec son moi intérieur traversé par des questions sur la guerre, le pacifisme, Dieu ou la paternité, et toutes ces tensions sont menées d’un pas de maître par Baryshnikov. Touchant et tout à la fois angoissant, Nijinski est aussi esquissé par des moments de danse qui l’ont rendu célèbre pour une performance impeccable où la folie et l’isolement du danseur trouvent un écrin sonore inépuisable.

Jusqu’au dernier instant Baryshnikov est saisissant par son charme qui laisse, certes, peu de place au confort, et qui nous ferait presque oublier le texte tant le monde visuel recréé par Wilson nous captive.

Letter to a man, d’après le Journal de Nijinski, mise en scène Robert Wilson, avec Mikhail Baryshnikov, jusqu’au 21 janvier 2017 au Théâtre de la Ville – Espace Cardin, 1, avenue Gabriel, 75008 Paris. Durée : 1h10. Plus d’informations ici : http://www.theatredelaville-paris.com/




Une histoire des illuminations publiques et privées de 1790 à 2016

La maison d’un habitant de Whitestone aux États-Unis en 2015

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« Paris entier brille d’une nouvelle illumination (…) et la ville est encore magnifiquement illuminée », cette remarque si actuelle est pourtant du député Cabet, qui en 1845 évoque une fête de 1790. Devenu ordinaire, garanti par la ville, en 2016 à Paris, l’éclairage public ne nous surprend plus sinon pendant les périodes de fêtes, où l’on admire les façades des Grands Magasins et où l’on arpente les Champs-Élysées que l’on ne fréquente pourtant guère le reste de l’année…

Associée à la célébration, l’illumination, d’usage public ou privé, est désormais liée à Noël et plus généralement à décembre sans que l’on ne sache vraiment pourquoi. D’un autre côté, peut-on dater Noël tel que nous le fêtons aujourd’hui ? Alain Cabantous et François Walter dans leur ouvrage Noël : une si longue histoire (2016) esquissent des pistes pour répondre à cette question.

Les débuts de l’électricité

Aujourd’hui devenu rituel obligé, le sapin et les décorations (notamment en Europe et aux Etats-Unis depuis la fin du XIXème siècle), marquent Noël, une fête qui date pourtant de l’antiquité romaine ! Depuis quand ? Le sapin serait entré dans l’espace public dès le XVème siècle, et dans l’espace privé à la fin du XVIIIème. En cette même fin de siècle, Paris devient la « ville-lumière » : le temps de grandes fêtes, des rues entières se parent de décorations lumineuses qui ressemblent davantage aux décorations des siècles à venir qu’à celles du siècle passé, notamment de celles des fêtes royales de Versailles. Avant de parler de Noël, il faut faire un détour par la lumière…

MOREAU Jean Michel, La grande illumination de Versailles, exécutée pour le mariage de Louis XVI, Illumination du parc de Versailles et du Grand Canal à l'occasion du mariage du Dauphin futur Louis XVI avec l'archiduchesse Marie-Antoinette, le 19 mai 1770, Période création/exécution 3e quart 18e siècle, Lieu de conservation Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon
MOREAU Jean Michel, La grande illumination de Versailles, exécutée pour le mariage de Louis XVI, Illumination du parc de Versailles et du Grand Canal à l’occasion du mariage du Dauphin futur Louis XVI avec l’archiduchesse Marie-Antoinette, le 19 mai 1770, 3e quart 18e siècle, Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon.

Une gravure d’un dessin d’Armand Parfait Prieur montre par exemple des fêtes et lumières aux Champs-Élysées le 18 juillet 1790, date où le roi Louis XVI prête serment et accepte la Constitution, un jour particulier « où l’on se réunit spontanément au milieu d’une illumination spontanée et générale ».

Fêtes et illuminations aux Champs-Élysées le 18 juillet 1790, Prieur, Armand Parfait, eau-forte, Musée Carnavalet, Histoire de Paris
Fêtes et illuminations aux Champs-Élysées le 18 juillet 1790, Prieur, Armand Parfait, eau-forte, Musée Carnavalet, Histoire de Paris

La fin du XVIIIème siècle, qui correspond aussi à l’arrivée de l’éclairage dans des lieux très fréquentés comme les jardins ou les promenades publiques marque un tournant vers la démocratie. En effet, la lumière adopte des fonctions symboliques particulières : on ne saurait s’intéresser à l’histoire des illuminations de Noël sans évoquer la place que l’éclairage et l’électricité vont progressivement prendre dans les espaces de vie de chacun.

Simone Delattre, dans Les Douze Heures noires : La nuit à Paris au XIXème siècle, explique ainsi que l’éclairage et l’illumination des rues vont aller de pair avec l’idée « de civilisation, de souveraineté, de démocratie, de réjouissance, de luxe, de sécurité, de salubrité, de modernité », alors que l’obscurité est associée à la subversion. Alain Cabantous, à l’origine d’ouvrages sur Noël et l’Histoire de la nuit, mais aussi Daniel Roche dans l’Histoire des choses banales, rappellent que, dès 1763, le royaume de France lance un concours auquel participe notamment Lavoisier, afin de repenser l’éclairage public. Cette initiative donnera naissance au réverbère. Gage de sûreté, la lumière évolue donc rapidement : en 1766, 7000 lanternes à bougies éclairent la ville et dès 1830, 6000 lampadaires au gaz sont installés.

Cette arrivée de l’éclairage dans l’espace urbain est suivie de près par son usage privé. Dès le XVIIIème, un goût plus affirmé de la part des parisiens pour la lumière au sein même de leur logis, et l’éclairage à gaz, « fixe et régulier », va rapidement constituer un premier pas vers les grandes avancées que va connaîtra le XIXème dans l’investissement du lieu privé.

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Apres le Bal, 1735 (oil on canvas) Troy, Jean Francois de (1679-1752), oil on canvas, 81.9×64.8 cm, Private Collection, Courtesy of Bernheimer Munich.

Le glissement se fait sentir lorsqu’on regarde des peintures comme Après le bal, de Jean-François de Troy où, en 1735, la bougie est encore présente dans l’espace privé, face à l’huile sur toile de 1840 de Prosper Lafaye représentant le pianiste Zimmermann dans son intérieur au Square d’Orléans, où la bougie a disparu de l’intérieur, remplacée par un lustre de lampes à huile suspendu au milieu de la pièce.

Prosper Lafaye, Pierre-Joseph-Guillaume Zimmermann, pianiste, vers 1840, huile sur toile, Versailles, châteaux de Versailles et de Trianon
Prosper Lafaye, Pierre-Joseph-Guillaume Zimmermann, pianiste, vers 1840, huile sur toile, Versailles, châteaux de Versailles et de Trianon

Car avant la seconde moitié du XIXe, l’utilisation quotidienne de la lumière est encore l’apanage des bourgeois et aristocrates qui illuminent leurs hôtels particuliers, ce qui opère un premier pas entre lieu public et lieu privé puisque l’intérieur est un lieu de représentations sociales.

Eclairage à Londres en 1878
Éclairage à Londres en 1878

La lumière est une fête

C’est le quartier de l’Odéon et le Passage des Panoramas qui, en 1830, sont les premiers lieux publics à être éclairés, sortant ainsi la lumière de son luxe. La ville s’embellit et c’est par ce lent contexte d’avènement de la lumière, dont s’emparent et profitent les lieux de commerce, que l’on peut comprendre le goût pour les illuminations au moment de Noël. Pour les boutiques, la lumière est un objet de publicité efficace : elle permet d’attirer le regard, le premier appât commercial ! Elle orne les vitrines et annonce bientôt les devantures des Grands Magasins. Sous le Second Empire, sur l’actuel Boulevard Haussman, s’imposent les fêtes de nuits rendues possibles par la lumière qui leurs sont alors associées.

Éclairage au bec de gaz de la Place de l'Opéra à Paris, autour de 1892, par Ludwik de Laveaux (1868–1894)
Éclairage au bec de gaz de la Place de l’Opéra à Paris, autour de 1892, par Ludwik de Laveaux (1868–1894)

En 1840, la place de la Concorde et les Champs-Élysées sont embellis, les contre-allées sont enfin éclairées et Victor Mabille, célèbre pour ses bals et le bal qui porte son nom, investit dans près de cinq mille becs de gaz : la lumière devient résolument festive.

Le Bal Mabille, lithographie de 1858
Le Bal Mabille, lithographie de 1858

 

Le bal Mabille, Jean Béraud
Le bal Mabille, Jean Béraud

L’exposition Internationale d’électricité

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Pour autant, Noël et les illuminations n’est pas encore une association évidente avant la fin du XIXème siècle. Il faut attendre l’exposition internationale d’électricité de 1881, soit deux ans après que Thomas Edison a déposé le brevet de l’ampoule électrique, pour que l’électricité devienne un vrai service universel et que celle-ci bénéficie d’un réel tremplin. Lors de l’exposition et la mise en lumière du Palais de l’électricité, plus de 800 000 personnes se pressent pour venir admirer le spectacle, pendant que près de 1000 lampes sont installées par Edison en plein Paris. Inventeur de l’ampoule, en 1880 Thomas Edison mettait au point la guirlande électrique de Noël en 1882. La première guirlande de Noël est commercialisée en 1884, et les illuminations de Noël entrent dans l’histoire pour devenir une tradition. Si la guirlande illuminée se popularise d’abord aux États-Unis, qu’en est-il du sapin ?

Le sapin, cet illuminé

Le sapin de Noël d’une famille protestante, peut-être de Luther.

Martin Luther (1483-1546) aurait eu l’idée de décorer un sapin, l’arbre qui symbolise la vie éternelle parce qu’il est toujours vert, avec des bougies. Ce qui symbolisait alors la lumière du Christ avec au sommet, une étoile rappelant l’étoile de Bethléem qui avait conduit les rois mages jusqu’au lieu de la naissance de Jésus. Et avant les bougies, les dictionnaires du XIXème siècle évoquent le fait que l’on décorait les maisons avec des branches, et les sapins avec des bonbons ou des petits jouets pour les enfants.

Peinture de Guillaume Corden qui montre l’arbre de Noël de la jeune Reine Victoria au Château Windsor, en 1850. Conservé au Royal National Trust.
Peinture de Guillaume Corden qui montre l’arbre de Noël de la jeune Reine Victoria au Château Windsor, en 1850. Conservé au Royal National Trust.

Ensuite, on raconte qu’en 1738, Marie Leszczynska, mariée à Louis XV, aurait fait installer un sapin à Versailles. Il faut attendre près de 100 ans pour en entendre de nouveau parler : en 1837, la duchesse d’Orléans aurait fait décorer un sapin aux Tuileries. Le conifère le plus connu reste celui du prince Albert et de la reine Victoria qui, en 1841, l’auraient fait dresser au château de Windsor en Angleterre. L’ère victorienne aurait donc marqué un tournant dans l’histoire du sapin de Noël. Encore exceptionnels les sapins, jusqu’en 1880 sont rares ou du moins rarement représentés, et seules des bougies les illuminent.

Gravure de Mode, autour de 1890.
Gravure de Mode, autour de 1890.

 

What is a home without love ? circa 1900, shows a tree with lighted candles. Photo: Prints and Photographs Division, Library of Congress.
What is a home without love ? circa 1900, shows a tree with lighted candles. Photo: Prints and Photographs Division, Library of Congress.

Mais rapidement, grâce aux avancées électriques et au fait que les bougies deviennent dangereuses (elles sont à l’origine de nombreux accidents) l’Edison’s Illumination Compagny est créée afin de promouvoir l’industrialisation des décorations lumineuses aux Etats-Unis. Une démocratisation encore toute relative jusque dans les années 1920, puisqu’une seule guirlande lumineuse coûtait l’équivalent de 300 dollars, soit 2000 dollars en 2016 !

The Cleveland Family tree decorated with red, white and blue electric light bulbs, delighted the president's young daughters. It was placed in the second floor Oval Room of the White House in 1894.
The Cleveland Family tree decorated with red, white and blue electric light bulbs, delighted the president’s young daughters. It was placed in the second floor Oval Room of the White House in 1894.

On comprend que l’un des premiers à acquérir ces guirlandes ait été le président américain Grover Cleveland qui, en 1895, installe le premier sapin de Noël illuminé à la Maison Blanche, avec de surcroît, des éclairages multicolores.

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Dans les années 1920, la famille Sadacca décide de créer une entreprise de guirlandes lumineuses et domine le marché jusque dans les années 60. Elle est à l’origine de la vraie popularisation de ces décorations, à un moment où aux Etats-Unis, la tradition du sapin se pérennise à cause du « sapin national », éclairé de près de 3000 petites ampoules.

The General Electric Christmas lighting outfit, the first set offered for sale to the public. Circa 1903-1904. Photo: The Antique Christmas Lights Museum.
The General Electric Christmas lighting outfit, the first set offered for sale to the public. Circa 1903-1904. Photo: The Antique Christmas Lights Museum.

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Eyeing a Christmas toy display in New York, circa 1910. Above: An early rendering of an animated display at R.H. Macy’s in New York City, circa 1884
Eyeing a Christmas toy display in New York, circa 1910. Above: An early rendering of an animated display at R.H. Macy’s in New York City, circa 1884

 

Les décorations de Macy's en 1959
Les décorations de Macy’s en 1959

Et la France dans tout ça ?

Du côté français, l’influence américaine retentit en un rien de temps. À l’image des vitrines des magasins Macy’s à New York qui, en 1884, animent pour la première fois leurs vitrines pour Noël et dont la parade de Noël est encore l’un des plus attendues qui soit, les Grands Magasins français s’illuminent à leur tour. En 1883, c’est Le Printemps qui est le premier à être uniquement éclairé à l’électricité. Déjà, en 1860, Émile Zola s’émerveille des vitrines des ces immenses boutiques et de la fée électricité : dans Au Bonheur des Dames il évoque sa « la clarté blanche ».

Puis, les photographies de Léon Gimpel, qui travaille à l’invention de la photographie en couleurs avec les Frères Lumières dès 1904, donnent à voir les illuminations de Noël de Paris des années 1925-1930. Une série de clichés exceptionnelle à plus d’un titre : non seulement les décorations des Grands Magasins (Galeries Lafayettes, BHV Marais, Samaritaine, Le Bon Marché) impressionnent, mais après l’éclairage public et privé, les illuminations de Noël correspondent à nouveau à une avancée technique d’envergure, à savoir ici, l’autochrome !

Léon Gimpel
Léon Gimpel

Léon Gimpel
Léon Gimpel

Léon Gimpel
Léon Gimpel

Léon Gimpel
Léon Gimpel

 

Les Galeries Lafayettes aujourd'hui
Les Galeries Lafayettes aujourd’hui

 

Fête de nuit à l'Exposition universelle de 1889
Fête de nuit à l’Exposition universelle de 1889

Face aux Grands Magasins qui profitent des innovations pour se faire de la publicité et attirer le public, les monuments de la capitale ne sont pas en reste, on pense notamment à la Tour Eiffel. Construite en 1889 (en plein essor de l’électricité!) dès son inauguration elle est illuminée par 10 000 becs de gaz. En 1900 elle est ornée de 5000 ampoules, puis en 1978, à l’occasion de Noël, elle est décorée d’un sapin lumineux de 30 000 ampoules !

Tour Eiffel, à l'exposition universelle de 1900.
Tour Eiffel, à l’exposition universelle de 1900.

Paris, comme New York, est alors réputée au moment des fêtes pour ses Grands Magasins. La « ville-lumière », associée au luxe, utilise l’éclaire comme publicité, comme un signe d’opulence et de finesse.

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Revenons-en au sapin : en somme, durant l’ère victorienne et pendant tout le XXème siècle jusqu’à nos jours, le sapin et ses illuminations ont investis l’espace public et privé au rythme du progrès électrique. Depuis l’intérieur cossu de la Maison Blanche et de l’Angleterre bourgeoise des années 1880 qui marquent le début d’un Noël commercial, les illuminations sont devenues un temps fort de nombreuses grandes villes.

Époque victorienne.
Époque victorienne.

Seconde Guerre Mondiale, Noël au front
Seconde Guerre Mondiale, Noël au front

Le sapin illuminé est devenu un tel symbole de Noël qu’on ne compte plus les photographies des années 40 et de guerre qui montrent des soldats fêtant Noël et parvenant, malgré tout, à se procurer un sapin et bénéficier pour un temps de répit, d’un peu de lumière.

Une famille ouvre ses cadeaux, années 40-50
Une famille ouvre ses cadeaux, années 40-50

De la même manière, les années 50, le baby boom, les trente glorieuses et l’avènement du capitalisme font monter en flèche les ventes de guirlandes de Noël et autres accessoires de décorations pour les fêtes. Comme en témoignent ces photographies d’époque mettant en scène des familles, on est bien loin des illuminations des premiers Grands Magasins du XIXème siècle,  l’effet escompté par le rôle de celles-ci a atteint son paroxysme et les sociétés de vente de décorations font fortune. On ne spécule plus seulement sur le passage du Père Noël la nuit du 24 au 25 décembre. Plus qu’une fête : Noël est un business.

Années 40-50
Une famille décore son arbre de Noël, années 40-50

 

Noël, années 40-50
Noël, années 40-50

À l’échelle de la capitale française, la tradition s’est bien installée au cours du XXème siècle. Les rues se décorent et des lieux, comme les Champs-Élysées, font l’objet d’innovations perpétuelles pour séduire les parisiens et renouveler l’écrin lumineux des fêtes de fin d’année.

Paris, Rue du faubourg Saint Denis, années 60
Paris, Rue du faubourg Saint Denis, années 60

 

Paris, Champs Élysées, années 60
Paris, Champs Élysées, années 60

 

Paris, Devant la Samaritaine, décembre 1964
Paris, Devant la Samaritaine, décembre 1964

L’engouement est tel que des concours, plus répandus aux Etats-Unis qu’en Europe, sont organisés et font triompher ceux qui auront le mieux, et le plus décoré leur demeure. Certains vont jusqu’à illuminer leur maison pour qu’elle soit vue de l’espace. Il existe même une ville, en Virginie, où Noël est fêté comme au XIXème siècle.

Jusqu’où irons-nous ?

Virginia City, Noël comme au XIXème
Virginia City, Noël comme au XIXème

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[Exposition] L’esprit du Bauhaus : Une référence toujours actuelle

« Candélabre à treize lumières », Bruno Paul, 1901 © Musée d’Orsay, Dist. RMN-Grand Palais / Patrice Schmidt, DR
« Candélabre à treize lumières », Bruno Paul, 1901
© Musée d’Orsay, Dist. RMN-Grand Palais / Patrice Schmidt, DR

Il y a bientôt 100 ans Walter Gropius créait à Weimar une école d’un genre nouveau qui alliait le respect de la tradition et le progrès de l’industrie pour devenir un « Art total ».Le but premier était de proposer à bas prix des objets pratiques et beaux, fabriqués de la main d’artistes, d’artisans et d’industries. On y côtoie une très grande épuration de lignes, et en parallèle, une très grande profusion de motifs, de décors et de couleurs.

L’exposition retrace de manière chronologique les différentes disciplines et ateliers qui ont progressivement vu le jour. Elle nous montre une richesse artistique nouvelle, palpable au travers de nombreuses réalisations : mobiliers, vaisselle, architecture, photographies, textiles, céramiques, collages, maquettes, affiches, costumes, lignes, formes, matières, couleurs… en 1929 est née la première revue et suivront les premiers livres. Une salle est d’ailleurs dédiée à l’imprimerie, la typographie, la reliure, la publicité et l’affiche qui engendrera une nouvelle méthode de communication.

Cette nouvelle conception esthétique et idéologique a été grandement héritée des corporations médiévales et cette tradition est très présente dans l’exposition.

Marcel Breuer, « Tables gigognes », 1928 Bois, acier tubulaire © Musée des Arts décoratifs, Paris, Jean Tholance / A.D.A.G.P. 2016
Marcel Breuer, « Tables gigognes », 1928
Bois, acier tubulaire
© Musée des Arts décoratifs, Paris, Jean Tholance / A.D.A.G.P. 2016

Le Bauhaus est avant tout une histoire humaine. La transmission du savoir et la pratique artistique permanente sont représentées ici de manière très simple mais à la fois très détaillée. Cette transmission et cette pratique nous permettent de sentir cette nouvelle approche globale qui a fait la force de ce courant artistique.

Outre les projets aboutis, de nombreuses études de mouvement, matières, perspectives sont également accrochées.

Muller Van Severen, « Installation », 2012 Cuir laiton propylène © Musée des Arts décoratifs, Paris, Jean Tholance
Muller Van Severen, « Installation », 2012
Cuir laiton propylène
© Musée des Arts décoratifs, Paris, Jean Tholance

Cette exposition précise, et d’une extrême richesse, nous invite dans sa dernière partie à découvrir la continuité du Bauhaus à travers des projets contemporains dans un parfait héritage idéologique et artistique.

« L’esprit du Bauhaus », jusqu’au 26 février 2017 au Musée des Arts Décoratifs, 107, rue de Rivoli, 75001 Paris. Plus d’informations ici : http://www.lesartsdecoratifs.fr/francais/musees/musee-des-arts-decoratifs/actualites/expositions-en-cours/design/l-esprit-du-bauhaus/

 




[Actu] Le Palais de Tokyo fait peau neuve au printemps 2017 !

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Le Palais de Tokyo fait peau neuve au printemps 2017

Nouvelle librairie
Nouveau restaurant

Le Palais de Tokyo a lancé en décembre 2015 un appel à projets pour le renouvellement de sa librairie et de son restaurant situé près de son entrée. Ont été sélectionnés pour la nouvelle librairie Walther König & Cahiers d’Art et Quixotic Projects (Candelaria, Glass, Mary Celeste et Hero) pour le nouveau restaurant / bar.

La librairie Walther König & Cahiers d’Art ouvrira ses portes en mars 2017

Le succès de l’espace historique de la librairie du Palais de Tokyo a toujours symbolisé par sa présence et sa qualité l’engagement de l’institution envers les artistes, les auteurs, la pensée. Soucieux d’amplifier et d’actualiser ce succès l’espace de la librairie sera triplé et confié  à la librairie Walther König & Cahiers d’Art.

Le libraire de référence Walther König et le célèbre éditeur Cahiers d’Art s’associent ainsi pour ouvrir au Palais de Tokyo une nouvelle librairie, succédant ainsi à Pascale Brun d’Arre.

Avec plus de 40 points de vente en Allemagne, Angleterre, Autriche, Pays-Bas et plus récemment en Belgique, Walther König est un libraire incontournable en Europe dans le domaine artistique, proposant des livres sur l’architecture, le design, la mode, le cinéma et plus spécialement les arts visuels.

Cahiers d’Art est une maison d’édition de référence, dont la galerie et la revue ont été fondées en 1926 à Paris. Relancée en 2012 après plusieurs décennies en sommeil, Cahiers d’Art a depuis repris la publication de sa revue éponyme, de ses livres d’art uniques et de ses catalogues raisonnés, et propose également des éditions limitées et des lithographies originales.

Ces deux enseignes phares dans le monde de l’art s’unissent pour créer un nouvel espace de 450 m2 au sein du Palais de Tokyo, offrant une sélection internationale de livres et de magazines, mais aussi de la papeterie, des articles cadeaux et des produits liés aux expositions du Palais de Tokyo.

La conception architecturale de la nouvelle librairie a été confiée à Office, cabinet d’architecture basé à Bruxelles. La nouvelle librairie a ainsi vocation à devenir une destination incontournable à Paris pour tous les amateurs d’art.

Le calendrier : l’actuelle librairie du Palais de Tokyo fermera ses portes définitivement le 18 décembre 2016 (date de fermeture de l’exposition de Tino Sehgal). S’en suivra une phase de travaux, jusqu’à l’ouverture de la nouvelle librairie Walther König & Cahiers d’Art en mars 2017.

Le nouveau restaurant / bar ouvrira ses portes en juin 2017

Quixotic Projects, qui a créé à Paris les restaurants et bars Candelaria, Glass, Mary Celeste et Hero, a été sélectionné avec son architecte Lina Ghotmeh et Les Graphiquants, pour créer un nouveau restaurant et bar au Palais de Tokyo, succédant ainsi à Eric Wapler (Tokyo Eat et Smack).

Dans l’esprit du Palais de Tokyo, le nouvel espace de restauration sera une destination d’échanges et de convivialité, un pionnier parisien pour la durabilité environnementale et alimentaire, avec une grande nouveauté : un bar à cocktails décalé et novateur. L’architecture et le mobilier des espaces actuels du Tokyo Eat et du Smack seront totalement transformés, pour offrir une nouvelle destination lifestyle incontournable à Paris.

Le calendrier : le Tokyo Eat et le Smack fermeront définitivement leurs portes le 18 décembre (date de fermeture de l’exposition de Tino Sehgal). S’en suivra une phase de travaux, jusqu’à l’ouverture du nouvel espace de restauration/bar en juin 2017.

Dans l’intervalle :
– Une offre de restauration de type snack sera proposée par Quixotic Projects dans le Hall d’entrée du Palais de

Tokyo à partir du 10 janvier 2017
– Monsieur bleu propose une nouvelle formule à 27€ avec entrée / plat ou plat / dessert (ou 21€ le plat seul), du 18 décembre 2016 au 28 février 2017, ainsi que des nouvelles formules brunch le week-end.

(Source : Communiqué de presse)




[Critique – vu à Avignon IN 2016] Au Théâtre de la Cité Internationale : Quand la démocratie éclabousse

Photo : Christophe Raynaud de Lage
Photo : Christophe Raynaud de Lage

Sur une scène noire de laquelle n’émergent que des isoloirs blancs faisant office d’écran, une élue zélée entre et installe méticuleusement une urne en attendant l’arrivée du maire. À la capitale le bureau 14 est prêt, c’est jour de vote ! Alors que tout le monde prend place, les heures défilent et, toujours aucun électeur en vue, les isoloirs n’isolent personne : est-ce à cause de la tempête de pluie battante ? Les responsables du bureau aimeraient s’en convaincre, tous se mettent à appeler leurs proches à voter et deviennent fous à la vue du seul électeur venu, ce qui donne lieu à des scènes pleines d’humour au milieu du chaos. Lorsqu’enfin les électeurs se déplacent, le résultat est édifiant : le pays a enregistré un taux d’abstentionnisme record, 80% de votes blancs.

De là, tout s’accélère, les politiques sur-réagissent et la pièce s’emballe. Maëlle Poésy construit alors une comédie noire sur le monde politique et la démocratie. En effet, elle met tour à tour en scène un petit groupe de ministres reclus, tous stéréotypés et appelant à la comparaison avec notre propre paysage politique. Que se passerait-il si demain, un tel scénario avait lieu ? Dans la capitaless, un état d’inquiétude est proclamé, des cellules de crise, des collectifs d’infiltration pour la vérité sont créés et plutôt que de tenter d’écouter le peuple, on assiste aux revers du pouvoir et au recentrement des ministres sur leur petite personne. Pour eux, gouverner c’est mettre ses sujets hors d’état de vous nuire, qu’advient-il alors des libertés fondamentales de la démocratie une fois les « gens radicalisés » et devenus « nuisibles » ?

Finement orchestrée, la pièce met en lumière le fossé existant entre les politiques et le peuple et entre en écho direct avec le contexte actuel. Si l’on regrette quelques longueurs et que le spectacle aurait gagné à être plus ramassé pour ne pas souffrir de coupures de rythme, la scénographie est hypnotique, l’ambiance sonore et lumineuse est très réussie. Le chaos, signifié par la pluie qui envahit le plateau pour laisser place à une ambiance lourdement tropicale, laisse imaginer une capitale ravagée, irradiée par les actes fous des ministres. Prêts à sortir des lance-flammes pour réprimer un peuple inactif, ils se disent en état de siège bien que pour certains, les souvenirs du siège remontent à des cours de latin du collège.

Tournée en dérision avec lucidité, la soit disant franchise des politiques perd toute sa crédibilité dans ce spectacle, les mises en scène successives de discours télévisés achèvent de les rendre risibles. Bien assis, le public s’y retrouve d’autant plus invité à une remise en question qu’il est considéré comme ce peuple qui, rassemblé, détient le vrai pouvoir : la république est morte, vive la république !

Ceux qui errent ne se trompent pas, de Kevin Keiss en collaboration avec Maëlle Poésy, d’après « La Lucidité » de José Saramago. Mise en scène de Maëlle Poésy, avec Caroline Arrouas, Marc Lamigeon, Roxane Palazzotto, Noémie Develay-Ressiguier, Cédric Simon, Grégoire Tachnakian.

Du 5 au 18 décembre 2016 au Théâtre de la Cité Internationale (Paris) Plus d’informations ici : http://www.theatredelacite.com/




Actu : Décembre en famille dans les Musées de la Ville de Paris

 Programmation des vacances de Noël dans les Musées de la ville de Paris

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> J-15 avant Noël : LE WEEK-END GRATUIT EN FAMILLE LES 10 & 11 DÉCEMBRE 2016
Le temps d’un week-end, Paris Musées lance sa saison festive hivernale et invite les enfants à partir de 4 ans et leurs parents à découvrir les musées autrement.
Ateliers, visites guidéeset contées, spectacles et concerts, composent une programmation gratuite et spécialement conçue pour les familles.
Conçu en écho de leurs collections et des expositions en cours, ce weekend est l’occasion de partager des moments uniques dans l’univers artistique et littéraire des musées de la Ville de Paris et découvrir ou redécouvrir les musées de la ville de Paris de manière ludique.
C’est aussi un temps privilégié pour donner aux enfants le goût des musées et apprendre tout en s’amusant.
> LES VACANCES AU MUSEE
Pendant les vacances de Noël, Paris Musées proposent aux familles une programmation
spécifique dans le réseau des musées de la Ville de Paris.
Au Petit Palais, au Palais Galliera, au Musée Bourdelle… une riche programmation vous attend : ateliers, visites, animations, visites dessinées… il y en a pour tous les goûts !

Programme détaillé du week-end gratuit :

(Le programme complet est ici téléchargeable sur le site de Paris Musées !)

 

SAMEDI 10 DÉCEMBRE

MUSÉE D’ART MODERNE DE LA VILLE DE PARIS

Samedi 10 décembre à 16h et dimanche 11 décembre à 16h – A partir de 6 ans sur réservation

Visite découverte en famille
des œuvres phares de la collection

Accompagnées
par un intervenant, parents et enfants partent à la découverte de La Danse
d’Henri Matisse et des œuvres colorées de Robert Delaunay . Une visite
immersion dans les chefs d’œuvres de la collection vécue et partagée en
famille.

Dimanche 11 décembre – 14h, 15h et 16h – À partir de 3 ans – Durée : 1h

Au point Némo, visite et atelier

Parents et enfants découvrent l’installation Point Némo
de l’artiste Laurence Le Deunff en parcourant un environnement coloré agrémenté
de drôle de sculptures. Le visiteur est invité à pénétrer dans un monde aquatique, fantastique et peuplé d’animaux marins bienveillants. L’atelier est une invitation en famille, à imaginer et créer en modelage, les créatures qui semblent s’être enfuies à notre arrivée et dont il ne reste plus que les queues ! 

 

MAISON DE BALZAC

15h30 – À partir de 11 ans – Durée : 1h

Représentation théâtrale Le Père Goriot, d’après Balzac

Adaptation pour le théâtre, de l’un des romans les plus connus de Balzac, Le Père Goriot. Dans une mise en scène dynamique, trois acteurs endossent avec virtuosité les rôles féminins grâce au truchement des masques empruntés à la commedia dell’arte. L’adresse de leur jeu oscille entre émotion, poésie et drôlerie. Un dispositif simple qui crée un effet maximum.

Avec Thomas Ganidel, Marc-Henri

Lamande et Didier Lesour.

Mise en scène de Frédérique
Lazarini.

 

MUSÉE BOURDELLE

de 14h à 17h – À partir de 10 ans – Durée : 3h

Un monument pour la paix

Visite de l’exposition « De Bruit et de Fureur. Bourdelle sculpteur et photographe » suivie d’un atelier de modelage. Comment représenter un symbole, un concept ? Après avoir visité l’exposition temporaire, les apprentis sculpteurs mettent en forme leurs idées et créent une maquette en argile de leur proposition.

 

MUSÉE CERNUSCHI

11h – Pour les 4 / 6 ans – Durée : 1h30

Perroquets exotiques, visite-animation pour découvrir l’exposition « Walasse
Ting »

S’inspirant des couleurs vives des œuvres de Walasse Ting, petits et grands illustrent des perroquets aux couleurs flamboyantes.

15h et 16h30 – De 5 à 10 ans – Durée : 1h

Spectacle d’ombres chinoises L’enfant magique et le roi dragon

Ce spectacle musical d’ombres chinoises, donné par le théâtre du petit miroir dans l’auditorium du musée Cernuschi, est tiré du Roman de l’Investiture des Dieux. Cette histoire de querelles divines est exclusivement montrée en spectacle avec le théâtre d’ombres. Les ombres chinoises utilisées sont des figurines en peaux finement ciselées, teintées et translucides, qui projettent des ombres colorées sur l’écran.

16h30 – Pour les 6/8 ans – Durée : 1h30

Sauterelles et libellules, visite-animation pour découvrir l’exposition « Walasse
Ting »

Les familles sont invitées à imaginer et faire vivre ces petites bêtes dans une nature foisonnante.

15h – Pour les 9 / 12 ans – Durée : 1h30

Le mot dessiné, visite-animation pour découvrir l’exposition « Walasse
Ting »

À la manière de Walasse Ting, les enfants et leurs parents s’initient de façon ludique et dynamique à la calligraphie.

 

MUSÉE COGNACQ-JAY, LE GOÛT DU XVIIIe

11h – À partir de 6 ans – Durée : 1h30

La vie quotidienne au siècle des Lumières,
visite-animation

Au cours d’une visite ludique, les enfants et leurs parents découvrent la vie quotidienne au XVIIIe siècle à travers les collections de peintures, sculptures, meubles et objets d’art.

14h30 et 16h – À partir de 6 ans – Durée : 1h30

Mystères au musée,
visite-animation

 Guidés par une animatrice, les petits et les grands découvrent les collections tout en aiguisant leur sens de l’observation, et en répondant aux énigmes qui leurs sont posées tout au long de la visite.

 

CRYPTE ARCHÉOLOGIQUE DE L’ÎLE DE LA CITÉ

10h30 et 15h – À partir de 6 ans – Durée : 1h30

Dessous-dessus, visite découverte

Après une découverte de la Crypte archéologique, les participants sont invités depuis le parvis à faire jouer leur imagination pour retrouver les traces du passé et imaginer l’atmosphère changeante de l’Île de la Cité au fil des siècles et de ses transformations.

11h – À partir de 8 ans – Durée 1h30

Pile et face, visite dessinée

Des histoires et des monnaies en veux-tu, en voilà pour tout connaître ou presque de la numismatique, avec en prime la réalisation de sa propre planche de monnaies !

14h – À partir de 8 ans – Durée : 1h30

Mission archéo, Visite-animation

De la découverte à l’interprétation, de la préservation à l’exposition, la visite-animation permet de mieux comprendre les enjeux de l’archéologie et de sensibiliser les enfants au métier d’archéologue.

15h30 et 16h30 – À partir de 5 ans – Durée : 1h30

L’île aux trésors, visite contée 

Un aventurier accoste sur l’île de la Cité. L’on dit qu’un trésor y est caché… Vieilles pierres ou pièces de monnaie ? C’est l’histoire de Paris qui le dit !

16h  – À partir de 6 ans – Durée : 1h30

Visite de l’exposition « L’or du pouvoir »

L’exposition spécialement conçue pour les familles, présente, en regard des vestiges archéologiques de la Crypte, une sélection exceptionnelle de monnaies, témoins matériels de l’histoire de Paris et de son évolution de Jules César à Marianne.

 

PALAIS GALLIERA

10h – À partir de 8 ans – Durée : 3h

Visite contée et calligramme dans l’exposition « Anatomie d’une collection »

Après la visite contée, les parents et les enfants réalisent un calligramme. Les mots décrivant le vêtement ou l’accessoire d leur choix prendront la forme du modèle choisi.

14h30 – À partir de 13 ans – Durée : 1h30

Visite de l’exposition « Anatomie d’une collection »

Les jeunes et leurs parents découvrent ensemble l’exposition « Anatomie d’une collection ».

 

MAISON DE VICTOR HUGO

10h et 13h45 – À partir de 6 ans – Durée : 1h

L’art d’être grand-père

11h30 – À partir de 9 ans – Durée : 1h

Notre-Dame de Paris

13h30 – À partir de 9 ans – Durée : 1h

Cosette et Gavroche

15h – À partir de 6 ans – Durée : 1h

Monstres et merveilles

15h – À partir de 9 ans – Durée : 1h

Gilliat le marin

La Maison de Victor Hugo propose un éventail de visite contées pour des petites et grandes oreilles. La poési sera à l’honneur dans les deux thèmes dédiés aux plus jeunes  L’art d’être grand-père présente Hugo « papapa » ainsi nommé e décrit par son petit-fils Georges, Monstres et merveilles chez M. Hugo est une balade enchanté à travers les décors imaginés et créés par l’écrivain, plei d’oiseaux merveilleux, mais aussi de lions ou de dragon étranges. Trois autres thèmes de visites contées sont destinées au plus grands offrant le plaisir de plonger dans l’univers de Notre-Dame de Paris, Les Misérables ou Les Travailleurs de la Mer.

 

MUSÉE DE LA VIE ROMANTIQUE

14h30 – À partir de 6 ans – Durée : 1h30

Visite découverte pour les petits et les grands

Cette visite est l’occasion de découvrir en famille les œuvre phare du musée, mais aussi d’explorer la maison, les atelier et le jardin.

 

MUSÉE ZADKINE

10h – À partir de 15 ans – Durée : 3h

Mémoire dessinéee, The Hollow Men Atelier dans le cadre de l’exposition De(s)Tin(s) de guerre

Les participants dessinent au trait et à la manière de Zadkine autou de l’œuvre de Chris Marker, hommage au poème de TS. Eliot.

 

DIMANCHE 11 DÉCEMBRE

MUSÉE D’ART MODERNE DE LA VILLE DE PARIS

14h, 15h et 16h – À partir de 3 ans. – Durée : 1h

Inventer de toute pièce, mini atelier dans l’exposition « Carl Andre »   

Carl Andre conçoit des installations qui modulent l’espace. Parents et enfants après avoir visité l’exposition munis d’un livret jeux, son invités à réaliser à partir d’éléments en bois leur propr installation avec l’aide d’une intervenante plasticienne.

16h – À partir de 6 ans – Durée : 1h – Sans réservation.

Visite découverte de l’exposition Carl Andre, Sculpture as place,1958-2010*

Détail de la programmation : voir texte de l’activité du samedi

 

MAISON DE BALZAC

16h30 – À partir de 11 ans – Durée : 1h – Représentation théâtrale

Le Père Goriot, d’après Balzac

(Détail de la programmation : voir texte de l’activité du samedi)

 

MUSÉE CERNUSCHI

11h – Pour les 4 / 6 ans – Durée : 1h30

Perroquets exotiques, visite-animation pour découvrir l’exposition « Walasse Ting »

Détail de la programmation : voir texte de l’activité du samedi

15h et 16h30 – De 5 à 10 ans – Durée : 1h

Spectacle d’ombres chinoises L’enfant magique et le roi dragon

Détail de la programmation : voir texte de l’activité du samedi

16h30 – Pour les 6 / 8 ans – Durée : 1h30

Sauterelles et libellules, visite-animation pour découvrir l’exposition « Walasse Ting »

Détail de la programmation : voir texte de l’activité du samedi

15h – Pour les 9 / 12 ans – Durée : 1h30

Le mot dessiné, visite-animation pour découvrir l’exposition « Walasse Ting »

Détail de la programmation : voir texte de l’activité du samedi

 

MUSÉE COGNACQ-JAY, LE GOÛT DU XVIIIe

11h – À partir de 6 ans – Durée : 2h

Portrait au pastel, atelier

Après l’observation des œuvres de la collection, les enfants e leurs parents sont initiés en atelier à la technique du pastel.

16h – À partir de 6 ans – Durée : 1h

Les Quatre Saisons de Vivaldi

Avec les musiciens de l’Orchestre de Paris, présentation de instruments du quatuor et extraits musicaux des Quatre Saisons de Vivaldi, en écho ave les oeuvres du musée.

 

CRYPTE ARCHÉOLOGIQUE DE L’ÎLE DE LA CITÉ

11h – À partir de 8 ans – Durée : 1h30

Mission archéo, visite-animation

Détail de la programmation : voir texte de l’activité du samedi

14h – À partir de 6 ans – Durée : 1h30

Promenade découverte de l’île de la Cité

Le cœur de la capitale dévoile son histoire et ses légendes entr monuments emblématiques et vestiges cachés.

15h30 et 16h30 – À partir de 5 ans – Durée : 1h30

L’île aux trésors, visite contée

Détail de la programmation : voir texte de l’activité du samedi

16h – À partir de 6 ans – Durée : 1h30

Visite de l’exposition « L’or du pouvoir »

Détail de la programmation : voir texte de l’activité du samedi

 

MUSÉE DU GÉNÉRAL LECLERC DE HAUTECLOCQUE ET DE LA LIBÉRATION DE PARIS /

MUSÉE JEAN MOULIN

11h et 14h30 – 7/10 ans – Durée : 2h

Fabriquer ses jouets avec le « système D »

À la manière des parents et enfants imaginatifs durant la Seconde Guerre mondiale, les participants fabriquent au musée leurs propres jouets avec des matériaux de récupération.

 

PETIT PALAIS

10h et 16h – À partir de 5 ans – Durée : 1h30

Visite-animation À la chasse aux anges

Tous les anges ont des ailes, mais toute créature ailée n’est pas ange. Pour le vérifier, les enfants partent à leur recherche dans les œuvres. Pour finir, chacun dessine le sien et repart avec une plume d’ange véritable.

14h – À partir de 5 ans – Durée : 1h30

Mon premier atelier au musée

Pour les artistes en herbe, sensibilisation à l’espace du musée, à son architecture et aux œuvres, avec une mallette ludique et sensorielle. En atelier, réalisation d’une carte souvenir « pop up », en papier, dessin et collage.

 

MUSÉE DE LA VIE ROMANTIQUE

11h, 12h, 14h, 15h et 16h – À partir de 5 ans – Durée : 1h

Contes d’hiver, contes des pays froids, visite contée

Loin d’ici, dans les forêts avoisinantes, les flocons tombent du ciel. Bientôt, tout sera blanc et le vent glacial soufflera… Petits et grands, vous viendrez en famille vous réchauffer en écoutant de belles histoires à l’approche de Noël.

 

MUSÉE ZADKINE

11h – À partir de 15 ans – Durée : 4h30

Mémoire gravée, The Hollow Men. Atelier dans le cadre de l’exposition De(s)Tin(s) de guerre

Parcours-discussion dans l’exposition, suivi d’un atelier d’initiation à la gravure autour du poème de TS. Eliot, The Hollow Men.

L’atelier se déroulera avec le même groupe de 11h à 12h30 au musée Zadkine puis de 13h30 à 16h30 à l’atelier du musée Bourdelle.)

 

Planifiez votre visite ici : parismusees.paris.fr
(Source : dossier de presse)



Actu : 2ème édition du Festival du Jamais Lu au Théâtre Ouvert à Paris

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FESTIVAL DU JAMAIS LU – PARIS
2ème édition
vendredi 2 | samedi 3 | dimanche 4 décembre

Il y a un an, le Festival du Jamais Lu débarquait à Paris avec une idée en tête : hacker la dramaturgie française !
De cette gentille intrusion est né un échange entre deux cultures cousines, qui n’ont pas eu assez d’une édition pour tout se raconter (coproduction Festival Jamais Lu – Montréal)

LES AUTEURS : Jérémie Fabre, Marilyn Mattei, Grégo Pluym, Sonia Ristic

LES METTEURS EN SCENE : Sophie Cadieux, Martin Faucher, Benoît Vermeulen, Catherine Vidal

LA TROUPE : Hélène Gratet, Dominique Laidet, Thomas Matalou, Guillaume Mika, Marie-Ève Perron, Nelson Rafaëll-Madel, Sarah Tick, Nanténé Traoré
Et deux apprentis comédiens du Studio d’Asnières – ESCA : Maïka Louakairim et Étienne Bianco

Qui a dit qu’il n’y avait pas d’auteurs en France ?

==> Plus d’informations ici : Festival Jamais Lu au Théâtre Ouvert <==

(Source : Dossier de Presse)




Les deux amis – Louis Garrel

Deux amis. Une femme. Un secret.

Outre Atlantique, cela aurait pu faire l’objet d’un thriller haletant, avec son happy ending familial, portant haut les valeurs états-uniennes. Mais ce n’est pas trop la came de Louis Garrel. Happy ending, et puis quoi encore ?

Le début de ce conte moderne est pourtant tout en légèreté musicale, peu de paroles, mais une mélodie omniprésente, aérienne, entraînante. Comme si les malheurs terrestres des personnages ne pesaient pas bien lourd dans l’aventure qui s’apprête à les réunir. Aventure amoureuse, ou plutôt « non-aventure » amoureuse. Des cris, des larmes, des cris, des cris, des cris.

Et puis, comme bien souvent, de l’amour naît la haine. De l’amitié naît la jalousie. Mère de tous les drames. Mère de toutes les peines.

Dans un Paris du quotidien, fait de trains de banlieue, de terrasses de cafés et de jardins publics, Louis Garrel nous livre une vision bien personnelle du triolisme moderne. Bien entouré de Christophe Honoré dans cet exercice, on ressent bien l’influence de son compère sur ce thème récurrent déjà rencontré dans « La Belle Personne » ou encore « Les Chansons d’Amour » pour ne citer qu’eux. Et encore une fois, ce drame contemporain tire sa source d’une intrigue classique. Après « La Princesse de Clèves », les deux amis ont choisi de revisiter « Les caprices de Marianne » à leur propre sauce.

Cette fois, c’est Golshifteh Farahani et Vincent Macaigne qui subissent l’impétuosité de Louis Garrel, virant parfois à la mauvaise foi ravageuse. Le trio est superbe, irréel et en même temps bien ancré dans un quotidien banal. Les rapports sont cruels d’humanité et de sincérité. La caméra de Louis Garrel filme le vrai, sans ambages ni maquillage. Le spectateur est touché, au plus profond de son jeu de valeurs et de certitudes. Et il en redemande … Mission réussie donc ?

Les deux amis
Réalisation : Louis Garrel
Scénario : Louis Garrel et Christophe Honoré
Golshifteh Farahani : Mona
Louis Garrel : Abel
Vincent Macaigne : Clément
Laurent Laffargue : le metteur en scène

Rachid Hami : l’acteur
Pierre Maillet : le réceptionniste de l’hôtel

 




Théâtre contre maltraitances

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Marie Ruggieri, femme mûre et conquise par la vie, entre sur scène avec une générosité palpable. Avec sa gouaille et son plaisir d’amour, elle nous berce d’abord avec son langage fleuri. Pourtant, elle va s’attacher durant une cinquantaine de minutes, à dénoncer le traitement fait aux femmes dans des situations atroces, où celles-ci frôlent et rencontrent la mort à cause de la barbarie des hommes. La descente aux enfers d’une amoureuse, le sort terrible réservé à une prostituée et une petite Somalienne, victime d’excision.

Spectacle commandé par une antenne locale d’Amnesty International, « Femmes en danger » est une dénonciation confortant une prise de conscience. Simple, mais essentielle. Marie Ruggieri dit le danger, sans le travestir ou l’adoucir, mais l’interprétation est humaine et fait naître une volonté positive dans le cœur du spectateur. Un spectateur qui pourrait être concerné par ces maltraitances.

Petit spectacle, bref comme une sonnette d’alarme, il a mérite d’attirer l’attention de ceux que ces questions touchent particulièrement. « Femmes en danger », derrière un visage tragique, nourrit l’espoir sincère que les violences faites aux femmes cessent, au moins un peu chaque jour.

« Femmes en danger », de et avec Marie Ruggieri, jusqu’au 26 avril 2016 au Théâtre Essaion, 6, rue Pierre au Lard, 75004 Paris. Durée : 50 minutes. Plus d’informations et réservations sur www.essaion-theatre.com/.




« Illiade », sea, sex and blood

Copyright : Pauline Le Goff
Copyright : Pauline Le Goff

L’Iliade, cette épopée dont on parle si souvent et qu’on a si peu lue, aurait été écrite par Homère autour de 800 avant notre ère. Quinze mille trois cent trente-sept vers en hexamètres dactyliques, vingt-quatre chants, presque autant de noms et de héros pour raconter six jours d’une bataille qui a opposé les Grecs et les Troyens, qui a divisé l’Olympe pendant plus de dix ans : tel est le texte. Un texte si riche pour raconter une guerre à l’origine si banale, à savoir deux disputes côté mortels, l’une entre Achille et Agamemnon qui a enlevé Chryséis puis Briséis, l’autre entre Ménélas et Pâris qui a enlevé Hélène, la femme de ce dernier. Côté divinités, l’origine du conflit n’est pas moins triviale. Zeus le numéro un de l’Olympe voudrait soutenir les Troyens, mais c’était sans compter sur sa femme Héra qui soutient les Grecs et va le trahir par l’entremise de Poséidon. Alors une belle dispute de couple éclate.

Tout ça pour ça ? C’est en tout cas ce que l’adaptation et mise en scène de Pauline Bayle donne à voir. Grâce à une troupe de cinq comédiens aussi talentueux que survoltés incarnant à tour de rôle quantité de personnages, le texte s’éclaircit pour un résultat plus que bluffant.

Surprenant, voilà comment qualifier le début de la pièce qui commence non pas sur scène mais dans le hall du théâtre de Belleville. Dès le départ, le public est pris à parti par Charlotte Van Bervesselès dans le rôle d’Achille qui voit et désigne dans le public des chefs de guerre venus avec leurs bateaux, un public emmené presque malgré lui au combat qui aura lieu sur scène. S’ensuit la découverte d’un décor qui mise sur l’essentiel, c’est-à-dire cinq chaises, quelques seaux posés ça-et-là et deux panneaux accrochés symétriquement sur le mur du fond, avec pour rappel sur chacun la liste des personnages les plus illustres liés aux camps grec et troyen. La mise en scène qui se veut didactique et réduite à un décor minimal n’en reste pas moins éloquente, comme lorsque le simple fait de retourner les chaises suffit à créer un rempart indiscutablement infranchissable aux yeux de tous. Aussi, les jeux de lumières permettent une lecture claire de l’espace divisé en deux plans, servant toujours une double narration savamment mise en scène.

Copyright : Pauline Le Goff
Copyright : Pauline Le Goff

En effet, comment passer du monde des mortels au monde des dieux, du récit au combat ? Pauline Bayle entend y répondre de deux manières. D’abord, par un renvoi du texte homérique à l’essence même du théâtre : la tragédie et la comédie. Un renvoi manifesté par une opposition entre le monde divin comique qui donne à voir des dieux capricieux tissant le destin des hommes, vivant eux, dans un monde tragique. Ensuite, la mise en scène dépouillée est extrêmement efficace pour signifier les moments de récit et de combat grâce à un recours au sable, à l’eau et à de la peinture rouge. Les tableaux créés et l’utilisation de l’espace par les comédiens, vêtus de noir et misant sur un minimum d’accessoires, sont non seulement esthétiques mais très efficaces. Deux éponges pressées pour faire couler le sang, quelques seaux d’eau jetés à la figure d’Achille pour signifier la mer agitée, des paillettes dorées comme armure, un cercle de sable tracé au sol en guise d’arène de combat : tout fonctionne. Portés par une énergie communicative, les jeunes comédiens parviennent incroyablement bien à restituer la trame des chants de l’Iliade, en s’en faisant les acteurs et commentateurs. Tour à tour et avec une rapidité déconcertante, ils réussissent à émouvoir et faire rire aux éclats. Notamment quand Héra en bikini rouge, jouée par Florent Dorin, demande des conseils séduction à une Aphrodite aux airs de Blondie. Ou quand Poséidon vole la foudre de Zeus : un micro avec lequel il se met à raper de l’hexamètre homérique avec une époustouflante facilité.

Pauline Bayle parvient à proposer une adaptation du texte homérique surprenante, intelligente et convaincante, l’Iliade ainsi résumée à ce qu’elle est : dix ans de conflits et de sang « tout ça pour une seule fille ! ».

« L’Iliade », d’Homère, adaptation et mise en scène de Pauline Bayle, jusqu’au 7 février au Théâtre de Belleville, 94 rue du Faubourg du Temple, 75011 Paris. Durée : 1h30. Plus d’informations et réservations sur www.theatredebelleville.com/.




Take me (I’m yours) : une exposition décalée, pleine de fantaisie et de fraîcheur

Affiche de l’exposition, TAKE ME (I’M YOURS) à la Monnaie de Paris, du 16 septembre au 8 novembre 2015.
Affiche de l’exposition, TAKE ME (I’M YOURS) à la Monnaie de Paris, du 16 septembre au 8 novembre 2015.

A la Monnaie de Paris, se tient jusqu’au 8 novembre, une exposition ludique, originale et profondément singulière. Déjà expérimenté en 1995 à la Serpentine Gallery, le concept imaginé par les commissaires Christian Boltanski et Hans Ulrich Obrist d’une exposition où le public devient véritablement acteur, revient aujourd’hui pour notre plus grand plaisir.

Christine Hill, Take Me (I’m Yours), Serpentine Gallery, Londres. Photo © Armin Linke, 1995.
Christine Hill, Take Me (I’m Yours), Serpentine Gallery, Londres. Photo © Armin Linke, 1995.

Enrichie d’œuvres et de performances inédites portées par d’éminentes figures de l’art contemporain – Gilbert & George, Fabrice Hyber, Gustav Metzger, ou encore Hans-Peter Feldmann pour ne citer qu’eux –, Take me (I’m Yours) bouleverse les codes institutionnels et apporte un véritable vent de fraîcheur : c’est l’incarnation de ce qui rendrait fou, n’importe quel gardien de musée ! Toucher les œuvres exposées, les emporter chez soi, devenir un créateur et s’approprier l’espace dévolu d’ordinaire aux artistes seuls, tel est le dessein de cette manifestation.

Gustav Metzger, MASS MEDIA: Today and Yesterday, 2009-2013, Courtesy of the artist. Photo: Marc Domage.
Gustav Metzger, MASS MEDIA : Today and Yesterday, 2009-2013, Courtesy of the artist. Photo: Marc Domage.

Et le moins que l’on puisse dire, c’est que les commissaires d’exposition ont parfaitement pensé l’atmosphère et la muséographie : dès l’escalier d’entrée, on surprend ici et là quelques œuvres subtilement éparpillées. Pour qui est attentif et sensible à l’originalité de la démarche, l’effet est des plus appréciables. Des œufs à la coquille d’un blanc immaculé, roulent sur les marches, pendant que de petites étiquettes s’accrochent aux branches des Wish Trees de Yoko Ono : des plus drôles aux plus émouvants, les messages des visiteurs y sont inscrits. Avec une joie non dissimulée, le public se prête donc volontiers au jeu.

Yoko Ono, Wish Tree, 1996-2015. Courtesy of the artist. Photo: Marc Domage, 2015.
Yoko Ono, Wish Tree, 1996-2015. Courtesy of the artist. Photo: Marc Domage, 2015.

Derrière cette ambiance poétique parfois, et décalée souvent, se cache une véritable recherche esthétique et contemplative. Dans la première salle, une jeune femme tout de noir vêtue, marche lentement entre les monceaux d’habits de Christian Boltanski – évoquant l’installation Personnes de la Monumenta 2010. Elégamment, elle laisse tomber au sol de gros confettis roses poudrés de l’artiste James Lee Byars, traçant un chemin aléatoire au gré de ses déplacements. Parfois, elle en distribue à des visiteurs, leur murmurant mystérieusement « Be quiet » ; un message à revers du postulat de cette exposition, comme pour exacerber les contrastes. Une marque d’émancipation du carcan traditionnel. Plongée dans sa performance, cette femme devient hypnotisante d’incarnation et de simplicité mêlées. Le calme avant la tempête !

James Lee Byars. Courtesy of Galerie Michael Werner. Photo: Marc Domage / Christian Boltanski, Dispersion, 1991-2015. Photo: Marc Domage
James Lee Byars. Courtesy of Galerie Michael Werner. Photo: Marc Domage / Christian Boltanski, Dispersion, 1991-2015. Photo: Marc Domage

A peine le seuil franchi, une réorchestration de « Petit Papa Noël » au piano, résonne en fond sonore. Il accompagne un concert de cartes postales, soigneusement punaisées par Hans-Peter Feldmann : la Tour Eiffel s’étale partout, sous divers angles de vue et couleurs. Le résultat est étourdissant. Sans compter la redondance symbolique, mais non moins amusante, accentuée par les petites Tour Eiffel de métal proposées par l’artiste, et qui n’attendent que d’échoir dans nos poches.

Hans-Peter Feldmann, Postcards, Photo © Guy-Editions A.Leconte
Hans-Peter Feldmann, Postcards, Photo © Guy-Editions A.Leconte

A ce stade, il serait dommage de dévoiler le contenu de l’exposition ; la surprise et l’originalité de l’évènement seraient gâchées. D’autant que Take me (I’m yours), par ses objectifs de dispersion et d’échange entre artistes et visiteurs, est vouée à évoluer, à se transformer. Vous n’y trouverez jamais la même performance deux jours de suite, et l’espace se sera irrémédiablement enrichi d’œuvres nouvelles au fil des jours.

Néanmoins, sachez qu’un squelette en massepain et sa sépulture en sucre roux vous attendent : si vous voulez goûter un fémur, c’est l’occasion rêvée ! Que vous pourrez accrocher votre joli minois aux murs de l’exposition grâce à un photomaton – pour la somme de 1€, et en emporter un double chez vous en souvenir. Vous pourrez encore, entre autres, vous interroger longuement sur le contenu des intrigantes pilules bleues tombant du plafond, de Carsten Höller. Des bouteilles d’eau seront d’ailleurs à votre disposition, pour les plus courageux – ou les plus inconscients !

Daniel Spoerri, Eat Art Happening, 2015. Courtesy of the artist. Photo: Marc Domage.
Daniel Spoerri, Eat Art Happening, 2015. Courtesy of the artist. Photo: Marc Domage.

Cependant, l’aspect récréatif n’est pas vain, et révèle un propos sous-jacent qui émerge en filigrane. Certes, on s’amuse ici beaucoup, et le concept par son caractère inhabituel, pourra même conquérir les plus hermétiques à l’art contemporain. Mais les interrogations concernant le marché de l’art actuel et la reproductibilité des œuvres sont bien là : chaque visiteur est autorisé et même encouragé, à repartir les poches remplies d’objets divers créés et exposés par les artistes. Inévitablement, la question de la valeur pécuniaire et empathique que nous donnons aux œuvres se pose. Et si cette exposition ne prétend pas donner de leçon à quiconque, elle a au moins le courage et l’intelligence de suggérer une approche à contre-courant, et de transcender l’aspect ludique pour mener à la réflexion.

Carsten Höller, Pill Clock, 2015. Courtesy of the artist and Air de Paris, Paris. Photo: Marc Domage, 2015.
Carsten Höller, Pill Clock, 2015. Courtesy of the artist and Air de Paris, Paris. Photo: Marc Domage, 2015.

Au-delà, Take me (I’m yours) questionne aussi la pérennité des évènements muséaux : que demeure-t-il vraiment au sortir d’une exposition ? Un souvenir ? Une impression ? Un jugement ? Ici, il reste aux visiteurs des œuvres-objets qui ancrent leur expérience dans le concret, dans un certain matérialisme : comme une réification du souvenir, en forme de petite Tour Eiffel sur le bord d’une cheminée.

Felix Gonzalez-Torres, “Untitled” (Revenge), 1991. © The Felix Gonzalez-Torres Foundation. Photo: Marc Domage.
Felix Gonzalez-Torres, “Untitled” (Revenge), 1991. © The Felix Gonzalez-Torres Foundation. Photo: Marc Domage.

Comme bien souvent, il est nécessaire de voir plus loin que l’apparente simplicité de ce que nous avons sous les yeux. L’évènement porté par la Monnaie de Paris en est la preuve, avec ceci d’infiniment plaisant, qu’aucun artiste ici ne se pose en moralisateur. Libre à chacun d’appréhender les œuvres comme il le souhaite, d’y participer et d’en emporter. Libre aussi, de simplement observer : la démarche n’est pas évidente tant elle est singulière, et personne ne vous forcera à bouleverser les habitudes acquises au sein d’un musée.

Rirkrit Tiravanija, Untitled, Eau de Rose of Damascus, 2015. Courtesy of the artist and Galerie Chantal Crousel, Paris. Photo: Marc Domage.
Rirkrit Tiravanija, Untitled, Eau de Rose of Damascus, 2015. Courtesy of the artist and Galerie Chantal Crousel, Paris. Photo: Marc Domage.

Un seul regret pourtant, vient modérer ce parcours enthousiasmant : l’absence totale de cartels explicatifs. Si l’évènement semble volontairement s’émanciper d’un aspect trop scientifique, quelques informations sur les œuvres et le cheminement artistique de leurs créateurs auraient été les bienvenues.

Cependant, entre distraction, étonnement et subtilité, on évolue dans un équilibre plaisant où artistes et visiteurs, s’unissent enfin pour bouleverser brillamment l’espace du musée. En somme, une véritable bouffée d’air frais. Et d’ailleurs, les capsules d’air de Yoko Ono sont là pour ça !

« Take Me (I’m Yours) »  – L’exposition se tient jusqu’au 8 novembre 2015 à la Monnaie de Paris. Plus d’informations sur www.monnaiedeparis.fr/




« Les Géants de la Montagne » descendent sur La Colline

Copyright : Elisabeth Carecchio.
Copyright : Elisabeth Carecchio.

La rentrée de cette saison prometteuse, à La Colline, se fait en compagnie de Luigi Pirandello et Stéphane Braunschweig, avec la nouvelle création des Géants de la Montagne. Un peu comme en 2012, où le même tandem (à demi-posthume) auteur-metteur en scène donnait naissance à Six personnages en quête d’auteur. Dans ce texte encore, des thèmes chers à Pirandello : le théâtre qui se questionne sur lui-même comme le reflet du monde au travers duquel il est composé. Dans le contexte pirandellien : en plein fascisme mussolinien.

Les Poissards habitent une villa mystérieuse, habillés de fripes trouvées au grenier et vivant des économies de trois décennies d’aumône de l’un d’entre eux. Pauvres, mais libres, ils partagent (physiquement !) les mêmes rêves et cohabitent avec les esprits. Ensemble, ils composent un groupe de survivants au monde sauvage qui les a rendu fous et contre lequel ils luttent. La Compagnie de la Comtesse, des comédiens (sans doute comme Les Poissards) errent à travers le territoire, maudits de vouloir jouer la pièce d’un auteur suicidé. Un soir, ils se retrouvent dans la villa mystérieuse. La rencontre entre les deux troupes vire à la confrontation, débat autour de leur art et de leur devenir artistique.

Copyright : Elisabeth Carecchio.
Copyright : Elisabeth Carecchio.

La Compagnie incarne le regard adulte prisonnier du modèle imposé par l’extérieur, refusant de croire à l’incroyable. Les Poissards sont des enfants mûrs, dirigés par un Peter-Pan-Cotrone (Claude Duparfait), qui ont décidé de tout faire pour vivre dans le monde qu’ils jugeraient bon pour eux, acceptant que tout est possible. Ces derniers aideront les premiers à mener leur projet à bien.

Comme à son habitude, Braunschweig lie mise en scène et décor – ici, une sorte de théâtre miniature aux rideaux clos, devenant lieu indéterminé ouvert aux rêves après une rotation. Souvent, on est perdu dans une sorte de fouillis artistique – entraîné probablement par un texte demeuré inachevé. L’ensemble manque d’une direction claire, de dynamisme et les acteurs bénéficient sans doute de trop de liberté. A cette confusion générale s’ajoutent des questions – pourquoi l’un des rôles secondaires n’est-il pas traduit ? Les Géants de la Montagne, déjà peu narrative, devient ici une pièce difficile, habitée d’une introspection métaphysique intense. Cependant, deux acteurs se démarquent : Claude Duparfait incarne un grand rôle, Cotrone, avec justesse et ironie. La Comtesse, Dominique Reymond, est brûlante de tristesse à vouloir à tout prix rendre hommage à son idéal disparu.

Bringuebalés entre ennui et grandeur poétique, c’est finalement un manifeste – brouillon certes – pour une écoute accrue du monde qui nous entoure que signe Stéphane Braunschweig. Un entrainement à « être détaché de tout, jusqu’à la démence », comme le dit Cotrone, alter-ego de l’auteur et porteur du message essentiel de la pièce : résister à la barbarie par davantage de liberté.

« Les Géants de la montagne » de Luigi Pirandello. Mise en scène de Stéphane Braunschweig, actuellement au Théâtre de la Colline, 15 rue Malte-Brun, 75020, Paris. Durée : 1h50. Plus d’informations et réservations sur www.colline.fr.




Broodthaers à la Monnaie de Paris

« Une fiction permet de saisir la vérité et en même temps ce qu’elle cache »
Marcel Broodthaers, Communiqué de presse, Documenta 5, Kassel, juin 1972.

Après avoir montré au public la Chocolate Factory de Paul McCarthy, la Monnaie de Paris présente actuellement une exposition consacrée à Marcel Broodthaers (1924 – 1976), artiste belge à l’œuvre protéiforme qui a largement participé au tournant artistique des années 1960. Après trois années de recherches effectuées par la commissaire de l’exposition, Chiara Pisari avec Maria Gilissen-Broodthaers et Marie Puck-Broodthaers, le projet vu le jour en 2015.

Nous partons dès lors à la rencontre d’un artiste à la carrière tardive, puisqu’il ne la débute qu’à quarante ans. D’abord poète et homme de lettres, libraire, reporter photographe, puis critique d’art, il coule en 1963 cinquante exemplaires de son dernier recueil de poèmes, Pense-Bête, dans du plâtre. Ainsi commence la carrière de l’un des artistes les plus importants de la seconde moitié du XXème siècle.

Marcel Broodthaers est connu pour ses assemblages et ses accumulations, faits de matériaux pauvres tels des moules ou des coquilles d’œufs. Mais c’est une toute autre œuvre que nous découvrons à la Monnaie de Paris. Ainsi, dans cette courte carrière artistique, Broodthaers consacre quatre années à un projet ambitieux : le Musée d’Art Moderne – Département des Aigles (1968-1872). Il s’agit d’une œuvre majeure de l’artiste, projet à la fois conceptuel et hermétique, mais aussi absurde et provoquant, qui n’a ni lieu fixe ni collection permanente. Dans le contexte de l’année 1968 à Bruxelles, ce projet s’inscrit dans un climat européen contestataire, à l’heure des grands questionnements sur les changements de la société et sur les institutions artistiques. En 1968 Marcel Broodthaers s’autoproclame dans des Lettres ouvertes « directeur » et « conservateur » du Musée, qui est inauguré dans son appartement la même année, avant de prendre son envol pour différentes villes européennes (Angers, Düsseldorf, Kassel…). Ce musée est composé de onze « sections » qui seront créées au fur et à mesure et qui retracent la vie d’un musée traditionnel : des salles exposant des objets agencés selon une scénographie réfléchie, la publicité autour de l’institution et sa promotion, les documents d’archive du musée… L’espace regroupe ainsi tant bien des képis militaires, des statues et dessins, des emballages de cigares, des lithographies, des panneaux de signalisation, ou encore des cartes postales de peintures du XIXème siècle scotchées au mur. Peu d’homogénéité donc, au risque de perdre le visiteur parfois.

Plaques (Poèmes industriels) (1968-1972), 16 plaques en plastique embouti et peint,  Estate Marcel Broodthaers, prêt de longue durée S.MA.K. Gand. Salle 6.
Plaques (Poèmes industriels) (1968-1972), 16 plaques en plastique embouti et peint,
Estate Marcel Broodthaers, prêt de longue durée S.MA.K. Gand. Salle 6. © Morgane Walter

Une question s’impose à nous de prime abord : pourquoi exposer Marcel Broodthaers dans un lieu aussi emblématique et historique que la Monnaie de Paris ? C’est la Section Financière qui semble dénouer ce paradoxe. En effet, le comble de l’ironie est atteint lorsque l’artiste annonce, en 1970-71, que le Musée est « à vendre pour cause de faillite ». C’est à ce moment-là qu’est créée la Section Financière, composée d’un lingot d’or d’un kilogramme, frappé d’un aigle par la Monnaie de Paris elle-même, qui sera vendu deux fois la valeur de l’or de l’époque pour collecter des fonds pour la sauvegarde du Musée. Le lingot d’or présenté à la Monnaie de Paris est celui acheté par l’artiste contemporain Danh Vo. Ainsi, c’est précisément dans ce lieu fabriquant l’argent depuis des siècles, s’interrogeant sur le devenir de ses collections, que l’œuvre de Broodthaers est la plus à même de trouver un écho : celui-ci questionnant sans cesse le rapport de l’art à l’argent, sa valeur financière et ses liens à l’institution muséale.

Le visiteur doit être averti que la Monnaie de Paris ne présente que des « détails » de ce musée fictif – l’exhaustivité étant impossible à atteindre pour des raisons matérielles. C’est la première fois que ces détails sont reconstitués, et ce grâce aux prêts des mêmes institutions, antiquaires et collectionneurs auxquels l’artiste avait originellement fait appel. Non seulement, selon Chiara Pisari, une présentation exhaustive trahirait la conception que Broodthaers avait du Musée, mais encore, les demandes de prêts aux différentes institutions prêteuses de l’époque – notamment le Musée du Louvre, le Musée des Arts Décoratifs de Berlin, le Victoria & Albert Museum ou encore le Musée Ingres – furent sans aucun doute suffisamment complexes ainsi.

Projection sur caisse (1968), 50 diapositives de reproductions de peintures du  XIXème siècle, 21 cartes postales, caisse de transport Département des Aigles. Section XIXème – Salle 5.
Projection sur caisse (1968), 50 diapositives de reproductions de peintures du
XIXème siècle, 21 cartes postales, caisse de transport Département des Aigles. Section XIXème – Salle 5. © Morgane Walter

Le parcours de l’exposition à la Monnaie de Paris est composé de onze salles, qui reprennent les onze « sections » du Musée : la Section des Figures, la Section Publicité, ou encore, la Section Financière. Ces différentes sections sont réparties entre les salons sur Seine du bâtiment parisien, disposés en enfilade et relativement homogènes – murs blancs, parquet au sol, et dimensions semblables. Chaque section peut être comprise comme une réflexion sur une question ayant trait au rapport de l’art à l’institution muséale, sa valeur marchande, la relation entre l’image et le langage, la copie et l’original, pour n’en citer que quelques unes.

Le spectateur débute sa visite avec l’œuvre présentée dans le Salon d’honneur, la Salle Blanche (1975). Il s’agit d’une reconstitution de la pièce de l’appartement de Broodthaers, à Bruxelles, dans laquelle ce dernier a inauguré le Musée d’Art Moderne. Les murs sont recouverts de mots ayant accompagné sa démarche artistique tout au long de sa carrière. On ne peut qu’être subjugué par la beauté de l’espace d’exposition, le Salon d’honneur, dans lequel la Salle Blanche, bien que d’une taille conséquente, semble disparaître.

Salle Blanche (1975), Encre de chine sur bois, photographies, ampoule, 2 appliques  en plâtre. Collection Maria Gilissen/Musée national d’art moderne, Centre Georges Pompidou, Paris. Salle 4.
Salle Blanche (1975), Encre de chine sur bois, photographies, ampoule, 2 appliques
en plâtre. Collection Maria Gilissen/Musée national d’art moderne, Centre Georges Pompidou, Paris. Salle 4. © Morgane Walter

Dans la suite du parcours, on est amené à réfléchir au rapport entre l’image et sa représentation, l’original et la copie, la fiction et le réel. Cela est particulièrement sensible dans la Section Publicité, présentant des photographies des objets montrés dans la Section des Figures. Marcel Broodthaers pose explicitement la question de la reproductibilité de l’œuvre d’art, se plaçant dans l’héritage de Walter Benjamin, et ajoute un double niveau de lecture lié à la publicité, plaçant dès lors de spectateur dans une position de consommateur.

La Section des Figures, salle centrale et emblématique du Musée, réunit ici près de 266 objets sur les 500 recensés dans le catalogue d’origine. Lorsque l’on pénètre dans cette salle, on en vient à se demander pourquoi cette utilisation de l’aigle ? Pourquoi en avoir fait le symbole de ce musée et lui avoir consacré tout une section ? Il va sans dire que l’on est en face d’un symbole ambigu : à la fois allégorie du pouvoir et de l’impérialisme, symbole de Jean l’Evangéliste, mais encore, symbole de noblesse. L’artiste joue de cette ambiguïté pour approfondir sa recherche sur le lien entre l’art, le mot, le langage, la pensée et l’image. Le visiteur peut se sentir décontenancé face à ces centaines d’objets représentant des aigles, car ce symbole est leur seul point commun, ce qui pose un problème de cohérence dans le propos. On est en outre frappé de voir que les œuvres d’art côtoient les bibelots, placés de manière égale sous vitrine avec tous pour même cartel : « Ceci n’est pas un objet d’art » (traduits en Allemand et en Anglais). Le ton est donné. Non seulement, Broodthaers interroge la notion de valeur artistique, mais en outre il cite explicitement son ami Magritte, en référence à l’œuvre devenue icône La trahison des images (1929), représentant une pipe sous-titrée de la mention « Ceci n’est pas une Pipe ». Enfin, l’on peut également rattacher cette pointe d’humour à l’héritage duchampien, qui a remis en cause la notion de valeur artistique institutionnalisée.

Carreau de porcelaine peint vert et jaune. « Ceci n’est pas un objet d’art. N° 92 Section des Figures – Salle 7.
Carreau de porcelaine peint vert et jaune. « Ceci n’est pas un objet d’art. N° 92 Section des Figures – Salle 7. © Morgane Walter

Un point nous heurte alors, c’est le parti pris de l’absence totale de cartels explicatifs. La Monnaie de Paris fait le choix de présenter au public français une œuvre particulièrement complexe et conceptuelle, faisant écho tant aux pratiques poétiques de l’artiste et de ses modèles tels Baudelaire ou Mallarmé, qu’à des références philosophiques et artistiques. Dès lors, proposer une approche dite intuitive, sans aucune explication, paraît être un manque sérieux de considération pour la compréhension du spectateur. Néanmoins, l’institution tente de pallier à ce manque par la distribution d’un livret explicatif, adapté à un public jeune ou mature, et par la présence de médiateurs culturels pouvant, si besoin est, fournir des informations au visiteur.

En outre, des incohérences surgissent dans l’organisation de l’exposition et dans le respect de ses promesses, à savoir la reconstitution fidèle du Musée tel que l’avait pensé l’artiste. Nous pensons notamment à l’œuvre Monsieur Teste qui n’était pas originellement présentée dans le Musée d’Art Moderne. Cette œuvre est pourtant montrée à la Monnaie de Paris pour la simple raison que, selon l’aveu de Maria Gilissen-Broodthaers, l’équipe voulait ajouter « une touche d’humour à l’exposition ». Or, la démarche de Marcel Broodthaers est déjà marquée par une forte dimension humoristique, qui n’apparaît que très peu dans la présentation proposée par la Monnaie de Paris. Les œuvres font sourire le spectateur lorsque l’ironie est assez claire pour être entendue, mais leur agencement dans l’espace d’exposition est austère et figé. Il s’agit d’un projet démesurément fou, ce que le spectateur ne perçoit que sporadiquement, probablement en raison d’une mise en scène très conventionnelle et d’un manque cruel d’explications.

Monsieur Teste (1975), mannequin automate assis sur une chaise en osier, journal,  photo de plage et palmiers, Estate Marcel Broodthaers. Salle 9.
Monsieur Teste (1975), mannequin automate assis sur une chaise en osier, journal,
photo de plage et palmiers, Estate Marcel Broodthaers. Salle 9. © Morgane Walter

L’exposition de la Monnaie prend fin avec la Section Cinéma, pour laquelle n’a été gardée que l’œuvre Cinéma Modèle (1970), un ensemble de films qui prennent appui sur les modèles littéraires de l’artiste, renforçant la dimension poétique de l’œuvre cinématographique de Broodthaers. On y trouve par exemple des références à Kurt Schwitters avec La Clef de l’Horloge (Un poème Cinématographique en l’honneur de Kurt Schwitters » (1957), à Magriite avec La Pipe (1969) ou encore La Fontaine avec Le Corbeau et le Renard (1967).

Cinéma Modèle, Programme La Fontaine (1970), Projections de cinq films, Estate  Marcel Broodthaers. Section Cinéma – Salle 11.
Cinéma Modèle, Programme La Fontaine (1970), Projections de cinq films, Estate
Marcel Broodthaers. Section Cinéma – Salle 11. © Morgane Walter

Ainsi, la Monnaie de Paris a fait le choix de présenter au public français un artiste contemporain essentiel, qui a marqué de son empreinte les principaux courants artistiques des années 1960 : le groupe Fluxus, l’art conceptuel, le Pop Art, ou le Lettrisme. Il a exercé une influence notable tant bien sur ses contemporains tels Joseph Beuys, Hans Haacke ou Daniel Buren, que sur les générations suivantes, comme Mike Kelley ou bien sûr, Danh Vo. Ce dernier par exemple a été largement inspiré par l’artiste belge. Non seulement il collectionne à la manière de Broodthaers, mais encore il crée des environnements inspirés de décors datant de la fin de la carrière de son modèle.

Du reste, la Monnaie de Paris rend hommage à un artiste capable de transformer une exposition en une véritable œuvre d’art, complexe et hermétique, mais riche et stimulante. Avec cette critique du voir et du montrer, de la mise en scène d’une exposition et bien entendu, du musée, l’artiste ouvre à des questionnements éminemment contemporains et toujours d’actualité.

Pour finir, laissons la parole à l’artiste : « Le Musée d’Art Moderne – Département des Aigles est tout simplement un mensonge et une tromperie… Le musée fictif essaie de piller le musée authentique, officiel, pour donner davantage de puissance et de vraisemblance à son mensonge. Il est également important de découvrir si le musée fictif jette un jour nouveau sur les mécanismes de l’art, du monde et de la vie de l’art. Avec mon musée, je pose la question. C’est pourquoi je n’ai pas besoin de donner la réponse. » (Marcel Broodthaers, 1972)

Morgane Walter

« Marcel Broodthaers – Musée d’Art Moderne – Département des Aigles »  – L’exposition se tient jusqu’au 5 juillet 2015 à la Monnaie de Paris, 11, Quai de Conti – 75006 Paris – Métro Pont-Neuf, Odéon ou Saint-Michel (lignes 4, 7, 10). Ouvert tous les jours de 11h à 19h. Tarifs : 12/8€. Plus d’informations sur www.monnaiedeparis.fr