« Love it, or hate it » Tel est le slogan de la Marmite, cette « délicieuse » pâte à tartiner tout droit venue de Grande Bretagne (fabriquée à l’aide levures utilisées pour la fabrication de la bière). Tel pourrait être également le slogan de la nouvelle pièce à l’affiche au Théâtre de la Porte Saint-Martin, « Les Menteurs », avec Philippe Chevallier et Régis Laspalès.
Et malheureusement dans les deux cas, le constat est sans appel, en quelques minutes à peine, j’en suis arrivé à la deuxième alternative.
« Hate it ».
Et pour continuer dans la métaphore culinaire, tout dans cette pièce sent le réchauffé.
Le gag surgelé, un peu oublié, et que l’on ressort pour une grande occasion.
Réchauffé à la va-vite, et toujours insipide.
Alors peut-être que nous, génération Y, sommes plus difficiles sur ce que l’on nous propose comme nourriture de l’esprit.
Mais là, pendant presque deux heures, l’esprit crie famine, rien à se mettre sous la dent.
Les zygomatiques subissent le même sort, pas d’occasion de se tendre et détendre. Tout reste figé.
Seul un léger incident a déridé l’assistance (au propre et au figuré).
Un pasteur qui se blesse par mégarde sur scène, et déclenche une belle séance d’improvisation.
Alors apparaissent aux yeux de tous, le talent des comédiens présents sur scène.
Une capacité d’inventer. Une simplicité dans le jeu. Pas de refuge possible derrière un texte trop bien connu.
Intermède bien éphémère, entre deux longueurs d’une heure.
Le train pour Pau est passé depuis bien longtemps.
Actuellement, au Théâtre de la Porte Saint-Martin
Du mardi au vendredi à 20h, le samedi à 16h45 et 20h30, le dimanche à 15h Durée : 1h30 Tarifs : de 15 € à 65 €
Une comédie anglaise d’Anthony Neilson
Adaptation : Marianne Grove
Mise en scène par Jean-Luc Moreau
Avec Philippe Chevallier et Régis Laspalès
Avec Antoinette Moya, Roger Van Hool, Sophie Gourdin, Bruno Chapelle, Nell Darmouni. Décors : Charlie Mangel Lumières : Gaëlle de Malglaive
Musique : Guillaume et Renaud Stirn Costumes : Juliette Chanaud
Le Bourgeois Gentilhomme … perd la boule
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Si certains ont un grain de folie, un petit grain de sable alors la troupe qui se produit au théâtre de la Porte Saint Martin, a tout le Sahara dans la tête … François Morel est tout à son aise sur scène et il fait ce qu’il fait de mieux, le pitre. Affublé d’un déguisement de derviche tourneur, il tourbillonne et lévite un air ahuri pétrifié sur son visage si enclin à la mimique. Ah ça pour sûr, peu de comédiens interprétant Monsieur Jourdain ont fini l’acte IV en slip à la lumière polaire d’un néon trop blanc. La grenouille qui voulait se faire plus grosse que le bœuf façon Molière est ici électrisée par une mise en scène chamarrée et sous acide. Lâchez le « Des »chiens !
Catherine Hiegel nous propose une mise en scène déroutante, frôlant le grand n’importe quoi. Elle aurait pu tomber dans la facilité qui aurait consisté entre autre à glisser quelques références à l’actualité adjointes de fortes œillades bien senties au public mais non, Catherine Hiegel ne fait pas dans le prévisible. La sociétaire et doyenne de la Comédie-Française offre au public du théâtre de la porte Saint Martin une mise en scène surprenante de la célèbre comédie-ballet de Molière, « Le Bourgeois Gentilhomme ».
Le ballet parlons-en : aux pas de menuet et pantomimes traditionnels en petits collants succèdent danses tribales, hakkas et entrechats très contemporains. Paradoxalement ça ne jure pas tant que ça avec le texte de Jean-Baptiste Poquelin et c’est certainement ce qu’il y a de plus plaisant dans cette interprétation.
Le chant assez présent dans Le Bourgeois Gentilhomme est quant à lui, assez pénible. Les passages sont longs, trop en décalages avec les costumes et l’interprétation modernisante. Rendons tout de même à César ce qui lui appartient, Morel quoi que piètre chanteur et danseur est particulièrement cocasse dans son interprétation de « Jeanneton ». Ce qui nous renvoie à la comédie.
La diction des comédiens est très travaillée et participe pleinement de la dynamique comique de la pièce sans en perturber la destinée. Le maitre à danser (David Migeot) est rudement précieux et Dorimène (Héloïse Wagner) a cet accent furieusement contemporain de la parisienne bêcheuse de la rive droite.
La prestation des acteurs est sympathique, Gilian Petrovski est un Cléonte touchant, Marie-Armelle Deguy est éructante en volcanique Madame Jourdain, Emmanuel Noblet perfide en Dorante et Alain Pralon excellent en grand charlatan / maître de philosophie.
Cependant il n’y a bien que Jourdain et Covielle (David Migeot encore) pour avoir cette folie lunaire. Aussi, les autres acteurs semblent au service de l’éblouissante révélation scénique de François Morel.
Dans son costume de lumière François Morel est bigrement drôle mais s’il faut concéder le caractère innovant de l’interprétation, on regrettera un hic dans la mise en scène. Un petit quelque chose manque avant l’entracte (peut-être trop classique ?) mais après, il y a un gros quelque chose de trop. Trop provoc’ ou peut-être trop loufoque pour emporter pleinement notre adhésion sans restrictions.
Au-delà de cette nouvelle mise en scène, il est remarquable de voir avec quelle force les thèmes de la pièce trouvent aujourd’hui encore un écho des plus d’actualité. Argent vs Art, Naître vs Paraître, Origines vs Ambitions, … Les thèmes sont là, les absurdités subsistent … Tour d’horizon des maux qui ont traversé les âges, sans vieillir pour autant !
L’art(gent)
« … son argent redresse les jugements de son esprit; il a du discernement dans sa bourse; ses louanges sont monnayées » (I, 1, Maître de Musique)
La délicate relation de l’art et de l’argent peut sembler poussée à la caricature au travers de cette tirade du Maître de Musique. Et pourtant, dans des temps plus proches, les débats autour de l’art contemporain, des mécénats d’entreprise, des placements de capitaux dans toutes sortes oeuvres d’art ne lui confèrent-ils pas une justesse indéniable ?
Que serait l’art sans les soutiens financiers qui l’accompagnent ? Aurait-il pu traverser les âges comme il l’a fait ?
Sans aucun doute y a-t-il bien un substrat indiscutable, fondement de toute forme d’art, sur lequel se base notre discernement du beau. Mais ce fondement n’est-il pas en train de disparaître au profit de pures transactions financières de haut vol, assurant des placements sans risque, au-delà de toute notion de raisonnable (prenons en exemple les montants atteints par les toiles de maître qui se négocient aujourd’hui dans les plus grandes maisons de ventes aux enchères) ?
L’art a besoin de l’argent pour vivre. C’est un fait.
Mais n’assiste-t-on pas aujourd’hui à une déviance à l’extrême de ce rapport incestueux ?
Je vous en laisse juge …
L’être et le devenir, aveuglante ambition
« Monsieur Jourdain. – Est-ce que les gens de qualité en ont ? Maître de Musique. – Oui, Monsieur. Monsieur Jourdain. – J’en aurai donc. … » (II, 1)
« Monsieur Jourdain. – Madame ! Monsieur le Comte, faites-lui excuses, et tâchez de la ramener … Ah ! impertinent que vous êtes ! voilà de vos beaux faits ; vous me venez faire des affronts devant tout le monde, et vous chassez de chez moi des personnes de qualité. » (IV, 2)
« Monsieur Jourdain. – Oui, il me faut porter du respect maintenant, et l’on vient de me faire Mamamouchi. » (V, 1)
Au travers de ces trois passages du Bourgeois Gentilhomme, on voit nettement se distinguer les pouvoirs ravageurs d’une ambition démesurée, insensée.
Qui la qualifieraient d’un aveuglement sans faille, qui encore d’un reniement sans scrupule de sa propre famille .
N’est pas Gentilhomme qui veut, vous l’aurez compris. Tout le monde n’a pas la « chance » (?) d’avoir du sang royal couler dans ses veines.
Ou si vous me permettez cette extension, tout le monde n’a pas la chance de connaître le phénomène de starisation, de peoplisation, de succès médiatique, …
Mais que ne ferait-on pas pour l’atteindre ?
Se mettre à dos, femme, enfant, amis …
Se couvrir de ridicule, sans vergogne aucune.
Si vous aussi, vous voyez poindre des « Loft Story », « Nice People », … alors vous voyez de quoi je veux parler.
Et bien sûr, ces nouveaux nobles modernes, ces stars en devenir, ou plutôt « devenues », et déjà loin dans l’oubli, réclament le respect. Leur faire ouvrir les yeux est la plus ardue des tâches que l’on puisse se voir attribuer, tant le scintillement de l’or qui brille dans leur horizon les aveugle !
Peut-être serait-il bon pour notre société de convoquer des Etats Généraux modernes …